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UneCorseàMarseille
9 avril 2013

Amélie Nothomb et moi

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Il fallait bien ça pour mon beau roman " Retour à Mouaden" ed.Colonna( des années de travail, un voyage en Tunisie, des paperasseries avec le ministère de la Défense): la compagnie d'Amélie dans la belle librairie "L'Odeur du Temps" à Marseille ( vous savez! Tout juste à côté de la boutique Nespresso, What else!)

En espérant que la grande Amélie me portera chance, tiens! elle pourrait peut-être parler de mon bouquin sur son site...

Mais comme on est jamais mieux servi que par soi-même je vous livre la première page de Retour à Mouaden, c'est ici:

Où sont-elles? Anna, Mathéa et Marie?
Où sont mes filles? La chair de ma chair, le sang de mon sang.
Chaque fois que je pense à elles, je suis mort. Je ne suis même plus furieux. Je suis mort.
Trop de temps a passé depuis quʼon a traîné mon corps jusque dans cette carrière. Tant de tempêtes ont balayé ce lieu sans fin, tant de poussières ont gonflé mes os sans sépulture. Cela ne veut plus rien dire. Etre mort ne veut plus rien dire. Etre mort nʼa de sens que lorsque je pense à elles. Alors oui, jʼai désespérément disparu.
Je peux encore me souvenir du sourire de Mathéa lorsquʼelle montait à cheval. Je peux sentir la main dʼAnna dans la mienne et entendre les braillements de Marie dans son berceau, mais je ne pourrais plus jamais les serrer dans mes bras. Elles me manquent. Jamais je ne pourrais être en paix.

Pour arriver jusquʼici, il faut franchir une route défoncée par les pluies et le passage des camions, traverser un pont en ruines et rouler des heures loin de toute civilisation. En ce sens, mes assassins ont été téméraires. Après mon exécution, il leur a fallu me transporter jusque là. Il leur a fallu mʼéloigner des vivants, me faire disparaître tout à fait. Lʼendroit a été bien choisi. Cʼest un lieu hors du monde. Cʼest un trou gigantesque où le soleil frappe les pierres, où la pluie creuse des sillons de boue jaunâtre, où je suis définitivement perdu pour tout ceux que jʼai aimés.

De la terre monte lʼodeur âcre des blocs de pierre fendus, taillés et polis. Lorsque les engins se mettent en route, le bruit monte jusquʼau ciel, retentit dans les airs et retombe comme un poids mort. A certaines heures, le vent hurle à travers les cavités rocheuses et me rappelle les mots que je ne leur ai pas dits. Ceci est mon tombeau, à ciel ouvert.

Jʼaurais eu tant de choses à leur confier, tant de promesses que je nʼai pas pu tenir, et tant dʼamour sacrifié, mais la carrière mʼa englouti.

Qui pourra leur dire mon histoire?
Qui saura leur raconter les choses de ma vie? Les choses que jʼaimais faire. Jʼétais très bon cuisinier dans le temps. Je préparais les bécasses comme personne. Jʼy mettais tout mon coeur. Je les faisais faisander une semaine, parfois plus. Quand la goutte tombait du bec, elles étaient prêtes. Il fallait aussi écraser les intestins et le foie, ça faisait un jus formidable.
Jʼai fait ces gestes. Cʼétaient des choses simples, des choses apprises sans le savoir, des choses de tous les jours comme se lever, manger, boire, parler, travailler et dormir. Des choses comme sʼembrasser, se serrer la main et sourire. Pour me comprendre, il faudrait mettre ces choses bout à bout. Les commencements et pas seulement la fin. Dire ce qui a été fait et défait. Avant ça.
Avant cette carrière battue aux quatre vents et abandonnée des hommes, il y a toute une histoire, une histoire à raconter. 

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  • Une Corse à Marseille est le journal d'une fille qui a quitté son île pour vivre la grande ville et le quotidien à Marseille. Humour, métro, surprises, bons mots et bonne bouffe au coin de la rue.
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